Algérie - Le SAMU au chevet des personnes en détresse
Le SAMU social de la wilaya d’Alger poursuit, en cette période hivernale, sa mission d’aide aux personnes en détresse, entamée le 27 octobre dernier dans le cadre d’une campagne hivernale entreprise au profit des SDF. Mission : distribuer des repas chauds et des couvertures.
Une virée effectuée samedi soir avec les éléments de ce service, créé en 1998- unique dans le pays bien que des échos font état de son élargissement à d’autres villes à forte concentration urbaine- a permis de voir de près l’action «noble» que mène le SAMU.
Le départ est donné à une heure avancée de la nuit, 21h30, depuis la place des Martyrs. «C’est à cette heure tardive de la nuit que les véritables SDF commencent à apparaître.
Nous choisissions ce moment précis pour passer à action, car nous avons une population bien ciblée, celle des sans-domicile-fixe, sans emploi ou encore celle présentant un profil psychologique perturbé», fait savoir le directeur du SAMU Social d’Alger, Mustapha Alilat, qui dirige les tournées qu’effectuent ses éléments dans différentes artères de la capitale. Pour lui, des pseudo-SDF s’infiltrent au cours de la journée parmi la foule qui se forme devant les fourgonnettes du SAMU en tournée.
«Donc, pour éviter tous ce magma, nous avons décidé d’effectuer le gros de nos interventions la nuit pour que les aides parviennent aux nécessiteux», explique-t-il.
Boulevard Zirout-Youcef. Sous les arcades des immeubles donnant sur la mer, des sans-abri y ont déjà aligné leurs cartons leur servant de lits. La cinquantaine passée, un SDF raconte qu’il vient de Jijel.
Il a trouvé refuge dans cet endroit depuis une semaine. Visiblement gêné par la présence en grand nombre d’agents mais surtout de l’appareil photo, l’homme s’est montré méfiant et réticent. «Non, je ne parle pas. Je ne veux pas qu’on me voit dans les journaux. Ma famille ne sait pas que je suis dans la rue».
Selon M. Alilat, 90% des SDF à Alger viennent des autres régions du pays. Il remarque que le phénomène des sans-domicile-fixe est urbain «puisque, note-t-il, 70% des SDF se concentrent dans des centres-villes».
«Il y en a certes dans les périphéries, mais pas comme au centre-ville. Il y a plusieurs facteurs qui expliquent ce fait, comme par exemple la présence de sûretés urbaines. Donc, ils se sentent ici plus ou moins en sécurité», affirme-t-il. C’est pourquoi l’intervention du SAMU s’est axée essentiellement sur le périmètre allant de Bab El Oued à El Harrach en passant par Belcourt et Hussein Dey.
En cette période de grand froid, ces sans-abri sont beaucoup plus visibles la nuit du côté des boulangeries ou des hammams d’où se dégage une certaine chaleur. M. B., 42 ans, célibataire, natif de Bouira, s’est enfoui dans des cartons étalés sous les arcades de Bab Azzoun (Basse Casbah).
«Je mène depuis des années une vie errante. J’étais dans plusieurs villes du pays. Ces dernières années je m’occupais de la garde d’une villa appartenant à un immigré à Tlemcen, mais comme le propriétaire est de retour j’ai quitté cette villa et suis de nouveau dans la rue. Ça fait un peu plus d’un mois que je traîne ici à Alger. Je suis bijoutier à la recherche d’un emploi. J’accepte de faire n’importe quel travail. L’essentiel est de gagner mon pain et trouver surtout un toit où passer les nuits», raconte-t-il.
DES SDF INVISIBLES
Tout comme M. B, la plupart des SDF s’est montrée satisfaite du geste du SAMU d’Alger. «Ces agents viennent nous voir presque chaque soir ces derniers temps en nous ramenant de la nourriture et des couvertures». M. Alilat indique que son organisme distribue 400 repas chaque jour au profit des SDF. Quelque 14.800 repas et 3.200 couvertures ont été distribués depuis le début de l’opération en octobre dernier.
Celle-ci se poursuivra jusqu’au 31 mars 2009. 94 agents, entre psychologues, infirmiers, éducateurs… partagés en six brigades se relaient pratiquement sans interruption pour cette mission. Outre le repérage des SDF et la prise de contact avec eux, le SAMU a également pour mission leur hébergement palliatif, sorte de mise à l’abri d’urgence, en attendant leur probable réinsertion familiale. Un rôle qui échoit généralement aux psychologues. Exemple éloquent de ce genre d’action est le cas d’une femme croisée «égarée» avec sa petite fille, au cours de la tournée nocturne de samedi dernier, à El Harrach.
La psychologue du groupe a pu, après un bref entretien avec elle, la convaincre de rejoindre son domicile. «La présence et l’intervention de la gent féminine sont d’une importance extrême dans pareils cas», commente le directeur Alilat, soulignant que 35% de la population errante sont constitués de femmes. Autre exemple, le cas de ce vieux SDF natif de Bejaia retrouvé récemment à Alger et qui a rejoint sa famille grâce à l’intercession du SAMU.
Pont des Fusillés (Hussein Dey). Ici, de nombreux errants s’y regroupent la nuit. «Ici, nous sommes à l’abri de la pluie. C’est mieux que de s’allonger sous les arcades, au moins nous ne sommes pas gênés par les véhicules ou les piétons», indique ce SDF âgé de 60 ans. Lui est originaire de l’Est du pays. Il possède toutes ses facultés mentales. «Je n’ai pas de domicile pour la simple raison que je n’ai pas profité durant ma jeunesse. J’aurais pu en avoir un au lendemain de l’indépendance comme beaucoup de gens de ma génération l’avaient fait en squattant des habitations abandonnées par les colons. Il y en avait pourtant par milliers.
Ma z’damtche (je n’ai pas squatté), et c’est tant pis».
Comme beaucoup d’autres personnes de son âge, il souligne que pour trouver à manger, il travaille, quand l’occasion se présente, comme gardien de jardin.
«Mais souvent, dit-il, je fais la manche durant la journée». Un autre sans-abri, plus jeune que lui, refuse de prendre le plat qu’un agent du SAMU lui tend. Il montre à l’agent un autre SDF et lui suggère de lui remettre la nourriture : «regardez celui qui est au fond et donnez-lui à manger, peut-être qu’il n’a rien pris durant toute la journée», dit-il un brin altruiste. Cela n’étonne nullement le personnel du SAMU qui souligne l’esprit de solidarité qui se constate souvent parmi les SDF.
Pour les responsables du SAMU, il existe une catégorie de SDF qui n’est pas visible. Ces «invisibles» pour des raisons d’ordre personnels en particulier, préfèrent fréquenter des hammams ou des garages de fortunes. «Cette catégorie est, elle aussi, considérée comme SDF. Ce sont des personnes ayant un déséquilibre nutritionnel à cause des irrégularités dans la prise de repas. Ce sont des fantômes de la nuit», précise un agent.
Ainsi, pour la direction du SAMU, un SDF n’est pas seulement celui qu’on voit dans la rue. «Cette conception concerne également ceux qui louent dans des dortoirs collectifs».
La tâche du SAMU s’avère de ce fait très complexe dans la mesure où elle est liée à une population hétérogène et vulnérable, dont la réinsertion sociale reste difficile.
«Il y a des SDF qui refusent d’êtres hébergés dans des centres spéciaux. Ce sont généralement des personnes habituées à la vie dans la rue. Il est difficile de leur faire apprendre des réflexes sociétaux telle l’hygiène.
Ils ont passé de longues années dans la rue et leur réinsertion est presque du domaine de l’impossible à moins d’un travail colossal de tous les spécialistes, psychologues, psychiatre et autres éducateurs», souligne un psychologue.
Synthèse de l'article - Equipe Algerie-Monde.com
D'apres Horizons-dz. www.horizons-dz.com. Par Mourad Kechad. Le 26 Decembre 2008.