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Algérie - « Qu’a-t-on fait pour empêcher la fuite des cerveaux ? »

fuites des cerveaux « L’argent ça va, ça vient, mais quand ça vient ça va ! » Smaïn Rien n’est fait pour encourager les compétences qui continuent de partir chaque année, faisant les beaux jours des pays d’adoption. Où sont les formations diplômantes qui permettent à l’individu une évolution dans sa carrière.

L’Etat ne fait rien pour aider la recherche. Les pays occidentaux ne lésinent pas sur les moyens pour dénicher et faire travailler les talents issus des pays émergents, comme l’a écrit Sauvy, si la richesse ne vient pas aux hommes, les hommes vont à la richesse.

Le phrasé lent, pesé, recherché en français se heurte parfois à des oublis compensés par un parler anglais parfait. D’emblée, on est séduit par sa rigueur, sa sensibilité trahie par son regard bienveillant. On ne saurait évoquer la personnalité de Nourredine sans insister sur la place centrale de la recherche dans tous ses travaux. Il dit avoir rêvé de devenir chercheur et qu’il a toujours œuvré dans ce sens. Doté d’une sensibilité curieuse, ouverte, éclectique où la passion de « trouver » n’exclut pas l’admiration pour les grands savants qui ont tant apporté à l’humanité, Nourredine se définit avant tout comme un « scientifique universaliste. »

En fait, il est cet intellectuel qui réfute avec une intelligence toute moderne les dogmes et les positions figées. Ce jeune homme, que passionnent à la fois la physique, la musique, la lecture et le foot et qui a connu un parcours classique, a tracé un sillon bien à lui. Il a compris qu’il ne pouvait se suffire de ses acquis routiniers qui sont le commun de ses condisciples. Aussi, a-t-il emprunté des chemins singuliers.

Il a eu la chance de gagner l’Amérique, où il vit et exerce depuis 1990, au milieu d’autres intellectuels exilés. Une autre période fondatrice de sa vie, où il revendique l’autonomie du savant à l’égard du politique. « Ce fut un privilège immense et incroyable pour moi d’être admis parmi les chercheurs de renom dans un milieu où l’excitation intellectuelle intense encourage à aller toujours plus loin dans une ambiance qui favorise l’épanouissement. »

Nourredine fait partie de cette frange qui a quitté le pays sans regret, parmi l’équipée qu’on appelle communément « la fuite des cerveaux ». La fuite des cerveaux ? Le vocable le fait sursauter. A-t-on espoir que toutes ces matières grises reviendront un jour pour apporter leur savoir, leur savoir-faire à leur pays… ?

La question déclenche un hochement de tête navré, des yeux levés au ciel, nous indiquant poliment d’aller chercher les causes qui sont à l’origine de ces départs sous d’autres cieux plus cléments, plus hospitaliers et certainement moins hostiles à la recherche. « Le chercheur y est nettement bien considéré. C’est vous dire que ce n’est pas uniquement une question de rémunération », ajoute-t-il, l’air agacé.

Formé en Algérie La lecture des statistiques dans toute leur froideur fait froid dans le dos. Ces dernières années, l’Algérie a perdu 40 000 chercheurs dans tous les domaines. Dans les 25 prochaines années, l’Algérie risque de perdre toutes ses compétences. La matière grise algérienne, au départ limitée à la France pour des raisons de proximité géographique est aujourd’hui présente partout, notamment aux Etats-Unis et au Canada.

Parmi les élites, chouchoutées par l’étranger en raison de leurs compétences, on compte près de 500 scientifiques de haut rang. Pour se donner bonne conscience, les décideurs algériens avancent l’idée que ce phénomène n’est pas exclusif à notre pays, mais feignent d’ignorer qu’aucune stratégie n’a été mise en place pour juguler ou atténuer cette « érosion » qui est un manque à gagner flagrant pour le pays, à l’origine de la métaphomorphose de ces élites.

A titre d’exemple, les chercheurs algériens démunis, déshérités sont lotis à la même enseigne que leurs collègues enseignants et autres hauts cadres de l’Etat, victimes d’une politique salariale dont on peut penser amèrement et à haute voix qu’elle méprise le savoir et la connaissance. Nourredine n’en dit pas moins, lui qui a bien voulu nous en dire plus dans la maison familiale, sur son itinéraire atypique. Nourredine Melikechi est né en 1958 à Thénia, où il a fait toute sa scolarité primaire avant de joindre le lycée Abane Ramdane à El Harrach et enfin l’université de Bab Ezzouar. C’est dans ce campus qu’il sort avec dans la poche son DES en physique en 1980.

Puis, il s’inscrit à l’université Sussex en Angleterre, où il décroche avec panache son PHD. De retour au pays, il effectue son service national à Mouilah, près de Djelfa, puis à l’université de Bab Ezzouar avec le titre d’enseignant chercheur. L’appel du large et le désir de s’affirmer davantage, de connaître d’autres sensations le transportent aux Etats-Unis au début des années 1990. Mais qu’est-ce qui a pu le pousser à quitter le pays qui en avait grand besoin ?

« Le contexte social, économique et sécuritaire ne s’y prêtait pas. Il vous mentira celui qui vous dira qu’on pouvait faire quelque chose à l’époque. Je ne vous cache pas que je voulais participer à un effort universel plutôt que de me perdre dans les méandres de l’incertitude. » Nourredine nous fera part des questionnements qui l’ont envahi dès son arrivée aux Etats-Unis. « Il fallait batailler dur, prouver. Dans ce contexte, la nationalité ne compte plus. On est scientifique au service de l’humanité, c’est tout. J’avais un PHD, une culture scientifique et je parlais anglais et puis j’ai eu la chance de trouver des profs qui m’ont donné l’opportunité de faire ce que je voulais. »

Que voulait, en fait, cet Algérien bon chic bon genre armé de son seul savoir et de sa volonté ? « Je suis physicien atomique et moléculaire. Ma vocation est la recherche sur les différences qui existent entre les isotopes, en utilisant des lasers et surtout voir l’interaction entre la lumière et les atomes. C’est beaucoup moins coûteux que faire de la physique nucléaire sur un accélérateur », considère-t-il en ajoutant qu’il a aussi fait des études d’amplification de laser pour arriver à des mesures précises à des niveaux exceptionnels.

Nourredine a également fait des études de détection pour étudier les impuretés avec beaucoup de matériaux dont les fibres optiques. Le chercheur a fait de la télécommunication laser. Le tout financé par la National Science Fondation des Etats-Unis, la Nasa et le programme dirigé par le Congrès. Pas seulement pour l’argent Nourredine, avec ses collaborateurs, a poussé la recherche plus loin en travaillant sur la détection dans les milieux bio-médicaux.

« C’est ce que je fais actuellement avec beaucoup de passion. J’ai un groupe de recherche sur la détection des signes précoces, en particulier le cancer des ovaires, une maladie silencieuse où de surcroît, il n’y a pas de symptômes. Quand on se rend compte, c’est souvent trop tard.

Aux Etats-Unis, 26 000 en meurent chaque année. La bonne nouvelle est que si l’on détecte très tôt, on peut guérir 95% des cas. Ce que l’on fait du point de vue technique, on crée des nano-particules qu’on attache à des protéines bien spécifiques et des marqueurs et on les suit. On fait ce travail avec le plus grand centre de recherche des Etats-Unis. Ce que l’on fait ne se limite pas au cancer, mais peut concerner d’autres maladies », explique-t-il.

Son regard sur l’université qui l’a formé est sans équivoque. « Je lui suis reconnaissant. A mon avis, la recherche, c’est essentiel dans le cursus universitaire et ce n’est pas un luxe réservé seulement aux pays développés. On doit préparer les étudiants à faire partie de ce mouvement de recherche et sortir des sentiers battus et du train-train quotidien. Cela doit commencer très tôt en libérant et développant l’initiative. Seulement, il faut définir des priorités de recherche.

Vous savez, les Etats-Unis étaient très pauvres dans les années 1930. Ils se sont lancés dans le progrès, en s’appuyant sur les richesses naturelles mais aussi sur le facteur humain. Il faut que la recherche ait un impact économique et les décideurs doivent savoir où ils veulent aller. Je suis directeur du centre de recherche de l’Etat où je réside.

Croyez-moi, il y a une synergie formidable entre les compagnies, les entreprises et l’université. Qu’est-ce qui empêche de faire de même ici ? », s’interroge-t-il en donnant l’air que cela peut se réaliser. Mais qu’est-ce qui empêche que lui, le chercheur émérite, revienne chez lui en Algérie ? L’hémorragie, jusqu’à quand ? « C’est utopique. Revenir pour faire quoi ? Il y a bien des compétences ici, demandez leur ce qu’elles ressentent. Pourquoi ne pas faire comme la Chine et l’Inde qui ont fait ériger des passerelles avec leurs élites établies à l’étranger. Cela atténue le déficit, car il ne faut pas oublier qu’on est en plein dans la globalisation et que les nationalismes ont tendance de plus en plus à s’effacer. »

Puis Nourredine pour étayer ses thèses nous emmène dans son milieu singulier où il travaille avec des chercheurs venus de divers horizons. « Actuellement, on travaille avec la Nasa sur le développement du laser pour détecter la vie sur Mars. Sur les rochers ramenés de cette planète, on s’attache à savoir s’il y a de l’oxygène ou d’autres minéraux. On a des collaborateurs avec d’autres universités de par le monde. J’espère qu’on va le faire avec Bab Ezzouar. Mais je persiste à dire que la recherche c’est une question de volonté politique. » Nourredine a-t-il des conseils à donner aux jeunes Algériens attirés par la recherche ?

« Il faut que les jeunes aiment ce qu’ils font et s’ouvrent sur le monde et pas seulement la France dont les systèmes sont parfois désuets. Il faut apprendre la langue universelle qu’est l’anglais. Il est nécessaire que les jeunes croient entre leur initiative et leur imagination et qu’il n’y ait pas que la rigueur qui détermine la recherche. L’école algérienne malheureusement ne fait pas cela. Il faut qu’elle s’implique dans la globalisation. » Nourredine est un passionné de foot qu’il pratique à l’occasion, alors que ses enfants, Omar, 18 ans, y joue assidûment et que sa fille Lilia,16 ans, est affiliée dans un club de tennis.

Dans l’Etat où il réside, la communauté musulmane est infime. Selon Nourredine, les Américains ne connaissaient que peu ou prou les Arabes et les musulmans. Depuis le 11 septembre 2001, leur connaissance s’est accrue de manière exponentielle. « Il ne faut pas oublier que la communauté musulmane aux Etats-Unis est classée au deuxième rang, sans en être la plus influente. » L’élection d’Obama ?

« Elle est historique. Cela prouve que les gens de bonne volonté existent. Le système n’est pas discriminatoire et permet aux citoyens de se hisser dans l’échelle sociale. Son élection est une leçon. Puisse-t-elle inspirer certains pour qui le renouveau ou le renouvellement du personnel politique est une vue de l’esprit. » Parcours Issu d’une famille de 5 enfants, Nourredine Melikechi est né en 1958. à Thénia. Mais ses racines sont à Sidi Naâmane, quelques contrées plus loin. Après des études en Algérie, il se trouve depuis plusieurs années aux Etats-Unis où il compte parmi les physiciens les plus en vue. En 2003, il a obtenu le SMART Aworld parmi les quatre scientifiques du Middle East.

Il a eu les félicitations du Congrès. Il a à son actif des brevets (Etudes sur les polymères dentaires), et participe régulièrement aux congrès liés à sa discipline, dont le dernier récemment à Alger. Attaché à sa mère, à son père Saïd, hospitalier (l’un des rares à continuer à faire fonctionner l’hôpital de Thénia, à l’indépendance) et à toute sa famille, il l’est aussi pour le pays.

N’a-t-il pas réussi à réunir une quantité importante d’ouvrages scientifiques destinés à l’université algérienne, dont le coût est en milliers de dollars, mais qui n’arriveront jamais à destination en raison de l’indifférence de l’ambassade algérienne à Washington, se considérant « non concernée ». Ce fait nous a été rapporté par un de ses proches. Trop pudique, Nourredine n’en a jamais parlé… Père de 2 enfants, notre chercheur vit aux Etats-Unis depuis le début des années 1990.

Synthèse de l'article - Equipe Algerie-Monde.com

D'apres El Watan. www.elwatan.com. Par Hamid Tahri . Le 25 Decembre 2008.

 

 

 

 

 

 

 

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