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Algérie - Les familles de disparus continuent de réclamer «la vérité»

familles de disparusLes familles des disparus continuent de réclamer le droit à la vérité, même si les dispositions de la charte pour la paix et la réconciliation nationale le leur a été définitivement dénié. En ce mercredi pluvieux et froid, les familles des disparus ont, comme dans leur habitude, marqué de leur présence les devants du siège de la Commission nationale consultative de la protection et de la promotion des droits de l'Homme (CNCPPDH).

Sauf que pour hier, cette halte, devenue une forme permanente de revendication de la vérité sur le sort de leurs proches disparus durant les années 90, a coïncidé avec la célébration du soixantième anniversaire de la déclaration universelle des droits de l'homme. D'habitude silencieuses et brandissant les photos de leurs proches, les familles ont, pour cette fois, clamé haut et fort le droit à la vérité.

« Respectez vos engagements relatifs aux conventions internationales », avaient-elles écrit sur une large banderole. « Baraket, baraket... », lançaient-elles à la face des agents de l'ordre qui les empêchaient d'entamer une marche. Il faut reconnaître qu'aucun dispositif sécuritaire spécial n'a été déployé à cet endroit. Peut-être une voiture de police qui a été placée bien en vue. Mais, ce sont surtout les policiers, habituellement en faction au niveau du rond-point d'Adis Abeba, qui avaient eu une prise de bec avec la trentaine de personnes qui manifestaient.

Près d'une quinzaine d'années après, ces familles veulent toujours connaître le sort de leurs proches qui ont été enlevés par les services de sécurité. Elles refusent, disent-elles, la fermeture du dossier conformément aux dispositions de la charte pour la paix et la réconciliation nationale.

Pourtant, c'est à cette seule vérité qu'elles ont désormais droit. « Si l'on s'en tient à la législation officielle, la charte pour la paix et la réconciliation nationale a clôturé le dossier en attribuant des indemnisations aux familles concernées et en rattachant les disparus à la tragédie nationale », nous a dit hier à cet effet, Maître Mustapha Farouk Ksentini, le président de la CNCPPDH que nous avons joint par téléphone. Il veut convaincre en soulignant que « la vérité c'est ça, il ne faut pas se leurrer ». Interrogé sur les probabilités à retenir pour avoir un jour la vérité, il répond « accéder à la vérité, c'est très compliqué parce qu'il n'y a pas d'archives, pas de témoins, pas de témoignages ».

Il estime que « la confusion est totale ». Il explique que c'est pour cela que « l'Etat a opté pour le traitement social du dossier au lieu du traitement juridique ». Maître Ksentini compare cette tragique situation à celle qui a prévalue dans d'autres pays. L'Argentine en est le meilleur exemple.

« Les familles ont ciblé un responsable et il y a eu procès », rappelle-t-il. Mais, dit-il, « tous les pays ont opté pour les indemnisations des familles parce qu'il n'y a pas d'autres solutions ». Et les familles qui avancent les noms d'agents des services de sécurité qui, disent-elles, ont enlevé leurs proches, que pourrait faire l'Etat pour elles ?

Lui avons-nous demandé. « J'ai moi-même reçu des familles qui donnent effectivement des noms, dans ce cas, nous leur avons conseillé de déposer plainte auprès des tribunaux mais elles ont refusé de le faire en nous disant qu'elles ne croient pas à la justice », explique Maître Ksentini.

« Nous savons que les disparitions existent, elles ont été commises par des agents de l'Etat mais comment les identifier ? », s'interroge-t-il à son tour tout en faisant part d'inextricables difficultés pour le faire. Homme de droit qu'il est, Maître Ksentini rappelle et retient que « ces agents bénéficient comme tout accusé de la présomption d'innocence, c'est difficile dans ce cas d'obtenir leur condamnation ».

Encore une fois, il veut convaincre que « il n'y a aucune preuve, il n'y a pas d'archives et pas de témoignages ». Il y a d'autres raisons aussi comme celle qui a toujours prévalue au sein des institutions de l'Etat, à savoir, dit-il, « ce ne sont pas les mêmes agents qui ont en même temps procédé à l'arrestation de personnes, les ont reçues et les ont gardées. L'agent qui a arrêté pourrait dire oui je l'ai fait, mais il ajoutera toujours que ce n'est pas lui qui a gardé les personnes arrêtées parce qu'il dit les avoir livrées à d'autres ».

N'est-ce pas dramatique ? Lui avions-nous dit. « J'ai beaucoup de compassion pour ces vieilles femmes qui réclament la vérité et j'ai aussi de l'admiration pour elles, je reconnais qu'elles mènent un combat difficile », a affirmé Maître Ksentini qui, sur un ton désolé, ajoute « nous avons réussi à mettre le dossier sur la place publique, nous avons parlé d'un sujet qui était tabou mais je ne peux pas aller plus loin, avoir la vérité, c'est quasiment impossible ». Quasiment n'est peut-être pas un adverbe de trop...

Synthèse de l'article - Equipe Algerie-Monde.com

D'apres Le Quotidien d'Oran. www.lequotidien-oran.com . Par Ghania Oukazi . Le 11 Decembre 2008.

 

 

 

 

 

 

 

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